Contact des langues : Le « contact des langues » sous la loupe des « migrations multiples ». Réflexions épistémologiques en sociolinguistique et en didactique des langues, Marine TOTOZANI
Le phénomène à l’origine de cette réflexion n’est pas nouveau, même si l’intérêt dont il fait
l’objet en sciences du langage, notamment en sociolinguistique et en didactique des langues,
est récent. Le terme « migrations multiples » (Totozani, Villa-Perez, 2022) renvoie d’abord à
l’approche de Sayad (1991, 1999) consistant à appréhender conjointement l’émigration et
l’immigration dont les logiques représentent deux facettes de la même réalité. L’adjectif
« multiple » (Toma & Castagnone, 2015) attire l’attention sur le caractère subséquent, la
répétitivité, voire la réversibilité des trajectoires migratoires qui loin d’être un déplacement
entre un pays d’origine et un pays d’accueil, comportent souvent des étapes plus ou moins
longues dans des pays dits de transit. L’étude des « migrations multiples » appelle ainsi une
approche complexe, contextualisée, globale et multidimensionnelle (Morin, 1999).
Le point de départ de la réflexion proposée ici consistera en un focus sur les trajectoires
migratoires et les biographies langagières de quelques élèves italo-maghrébins scolarisés dans
un collège REP situé en banlieue lyonnaise. Leurs récits ont été recueillis par le biais
d’entretiens compréhensifs réalisés dans le cadre d’une recherche collaborative qui s’est
déroulée entre 2018 et 2020.
La première question qui se pose au chercheur en sociolinguistique et en didactique des langues
impliqué dans la description et l’analyse des pratiques langagières de ces élèves aux trajectoires
migratoires complexes est celle des concepts et notions à convoquer et à mobiliser dans sa
démarche. Une analyse de leurs discours nous conduira à passer au crible les notions
disponibles en ce sens dans les disciplines qui constituent le cadre de cette réflexion et en même
temps, à l’instar de Lüdi (1994), Mondada (2012) et Léglise (2017), à postuler des formes de
« bricolage linguistique ». Cette conception des pratiques langagières en contexte de migrations
multiples souligne dans un second temps la nécessité de réfléchir plus avant sur l’enseignement
et l’apprentissage des langues à l’école. Enfin, en prenant davantage de hauteur, ce sont les
rapports entre la sociolinguistique et la didactique des langues qui seront interrogés.
Références
LÉGLISE I., 2017, Multilinguisme et hétérogénéité des pratiques langagières. Nouveaux
chantiers et enjeux du Global South, Langage et société 160-161, pp. 251-266.
LÜDI G., 1994, Dénomination médiate et bricolage lexical en situation exolingue, Acquisition
et interaction en langue étrangère 3, pp. 115–146.
MONDADA L., 2012, L’organisation émergente des ressources multimodales dans
l’interaction en lingua France : entre progressivité et intersubjectivité, VALS-ASLA 95, pp. 97-
121.
MORIN E., 1999, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Paris, UNESCO.
SAYAD A., La double absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré », Paris,
Éditions du Seuil.
SAYAD A., 1991, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Bruxelles, De Boek- Wesmal.
TOMA S., CASTAGNONE E., 2015, « Quels sont les facteurs de migration multiple en
Europe? Les migrations sénégalaises entre la France, l’Italie et l’Espagne », Population, vol.
70, p. 69-101.
TOTOZANI M., VILLA-PEREZ V., 2022, Migration(s) multiple(s). Reconfiguration des
répertoires sociolinguistiques et perspectives éducatives, Glottopol 37.
https://journals.openedition.org/glottopol/2077
https://www.ille.uha.fr/wp-content/uploads/2024/11/Contact-des-langues-2-1.pdf